<script src="//s1.wordpress.com/wp-content/plugins/snow/snowstorm.js?ver=3" type="text/javascript"></script> Un autre aspect…: Scindés, du pareil au même... ou à l'autre

mardi 11 décembre 2012

Scindés, du pareil au même... ou à l'autre




« Premièrement, il y avait trois catégories d'êtres humains et non pas deux comme maintenant, à savoir le mâle et la femelle. Mais il en existait encore une troisième qui participait des deux autres, dont le nom subsiste aujourd'hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps-là en effet il y avait l'androgyne, un genre distinct qui, pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd'hui, cette catégorie n'existe plus [...].

Deuxièmement, la forme de chaque être humain était celle d'une boule, avec un dos et des flancs arrondis. Chacun avait quatre mains, un nombre de jambes égal à celui des mains, deux visages sur un cou rond avec, au-dessus de ces deux visages en tout point pareils et situés à l'opposé l'un de l'autre, une tête unique pourvue de quatre oreilles. En outre, chacun avait deux sexes et tout le reste à l'avenant [...].

Suite à leur prétention de concurrencer les dieux, « Zeus coupa les humains en deux, ou comme on coupe les oeufs avec un crin.

« Chacun d'entre nous est donc la moitié complémentaire d'un être humain, puisqu'il a été coupé, à la façon des soles, un seul être en produisant deux ; sans cesse donc chacun est en quête de sa moitié complémentaire. Aussi tous ceux des mâles qui sont une coupure de ce composé qui était alors appelé "androgyne" recherchent-ils l'amour des femmes et c'est de cette espèce que proviennent la plupart des maris qui trompent leur femme, et pareillement toutes les femmes qui recherchent l'amour des hommes et qui trompent leur mari. En revanche, toutes les femmes qui sont une coupure de femme ne prêtent pas la moindre attention aux hommes ; au contraire, c'est plutôt vers les femmes qu'elles sont tournées, et c'est de cette espèce que proviennent les lesbiennes. Tous ceux enfin qui sont une coupure de mâle recherchent aussi l'amour des mâles.

« Les mâles de cette espèce sont les seuls [...] qui, parvenus à maturité, s'engagent dans la politique. Lorsqu'ils sont devenus des hommes faits, ce sont de jeunes garçons qu'ils aiment et ils ne s'intéressent guère par nature au mariage et à la procréation d'enfants, mais la règle les y contraint ; ils trouveraient plutôt leur compte dans le fait de passer leur vie en célibataires, côte à côte, en renonçant au mariage. Ainsi donc, de manière générale, un homme de ce genre cherche à trouver un jeune garçon pour amant et il chérit son amant, parce que dans tous les cas il cherche à s'attacher à ce qui lui est apparenté. »
(Platon, Le Banquet, 190b – 193e : discours d'Aristophane.)




« Dieu créa les humains à son image : il les créa à l'image de Dieu ; homme et femme il les créa. Dieu les bénit en disant : Soyez féconds et multipliez-vous » (Genèse 1, 27-28).

*

On ne peut soupçonner Platon d' "homophobie" ! Ce qui ne l'empêche pas de considérer le mariage (qu'il juge inférieur) comme ne concernant que les moitiés homme-femme en vue de la procréation (*)...

Rien, que de très classique, et que l'on retrouve dans la Genèse, où la procréation apparaît comme fruit de la bénédiction du couple.

Cela est en arrière-plan du fait que l'Eglise ancienne ne jugera pas nécessaire de procéder à des mariages, se contentant de reconnaître les mariages civils, ceux de la cité, juive ou romaine...

Ces mêmes mariages seront couverts d'une bénédiction ecclésiale, hors édifice religieux, à partir du Ve siècle, le couple couvert d'un voile (pratique demeurée en vigueur jusqu'au début de l'ère moderne en Occident).

Lorsque l'Eglise médiévale prend le pouvoir civil, elle procède en conséquence elle-même à des mariages (XIe-XIIe s.), bientôt suivie par la synagogue (premiers mariages religieux juifs : XIVe s.), puis, après qu'elles aient tenté d'abord d’abandonner cela, par les Eglises de la Réforme...

Il n'en demeure pas moins que le mariage est d'abord une affaire strictement civile, concernant la procréation, et indépendante du mythe platonicien... qui reprendra du service via la tradition courtoise, et jusque dans le romantisme, avec cette réserve qu'il ne concerne alors que les couples homme-femme... Et le mythe finit par investir la conception moderne du mariage - "romantique"...

Avant qu'il ne recouvre, récemment, son intégralité platonicienne !...

... À cette différence près, que contrairement à ce qu'en concevait Platon, le mariage finit par ne plus être induit de la procréation et par être revendiqué pour des attachements entre personnes de même sexe...


(*) "De quelque façon qu’on veuille envisager les plaisirs de l’amour […], il paraît certain que la nature les a attachés à cette union des deux sexes qui a pour fin la génération ; et que toute autre union des mâles avec les mâles, ou des femelles avec les femelles, est un attentat contre la nature que l’excès de l’intempérance a pu seul inventer." (Platon, Les lois I, 33)
"J’ai dit moi-même que j’avais un moyen pour faire passer la loi qui oblige les citoyens à se conformer à la nature dans l’union des deux sexes destinée à la génération, qui interdit aux mâles tout commerce avec les mâles, leur défend de détruire de dessein prémédité l’espèce humaine, et de jeter parmi les pierres et les rochers une semence qui ne peut y prendre racine et recevoir son développement naturel, qui pareillement interdit avec les femmes tout commerce qui ne remplirait pas la fin de la nature ; et si cette loi devient jamais aussi universelle, aussi puissante par rapport aux autres commerces illicites qu’elle l’est aujourd’hui par rapport à celui des parents avec leurs enfans, si elle vient à bout de les empêcher entièrement, elle produira une infinité de bons effets ; car en premier lieu elle est conforme à la nature ; de plus elle délivre les hommes de cette rage, de ces fureurs qui accompagnent l’amour ; elle arrête tous les adultères […] : elle établit la concorde et l’amitié dans les mariages, et procure mille autres biens à quiconque peut être assez maître de soi-même pour l’observer." (Ibid. VIII, 116-117)


RP


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